Per monstra ad astra

Vernissage le 23 mars 2016 de 18h00 à 21h00

Aby Warburg se plaisait à répéter l’adage Per monstra ad astra, qui se traduit littéralement par “des monstres aux astres”. Cette locution latine a été le point de départ de notre réfléxion sur une certaine ambivalence dans la relation que nous entretenons avec les oeuvres séléctionnées dans la collection d’Antoine de Galbert. En effet, celles-ci montrent quelque chose de troublant, de singulier, qui frôle les limites et inquiète les normes.
La curiosité pour les anomalies anatomiques des êtres vivants a donné naissance à une science : la tératologie, combinaison de différentes disciplines pour comprendre l’exceptionnel.
Notre exposition n’entend pas dresser une taxinomie exhaustive de l’étrange en art contemporain, il s’agit plutôt d’explorer la dialectique que suscitent ces formes monstrueuses entre attraction et répulsion, dégoût et fascination. Elle interroge leur pouvoir de pousser la raison à ses limites, le langage aux frontières du dicible. Que nous apporte la représentation de l’inacceptable à la perception des faits réels ? Comment cela influe-t-il sur notre conscience, nos connaissances et nos valeurs éthiques ?

Gigantesque, pathologique, animal, pervers, incestueux, horrible, cosmique, inhumain, poétique, disparate, singulier, informe, tabou, défiguration et mort sont des motifs récurrents dans les manifestations du monstrueux. La zoophilie dessinée par Marcel Dzama, le cadavre de taupe de Mark Dion, l’insalubrité de la sculpture de Peter Buggenhout et les mots incisifs écrits par Eric Pougeau donnent à voir des représentations plus ou moins explicites, étranges et dérangeantes.
Dans l’histoire warburgienne des images, la beauté et le charme des chefs-d’oeuvre sont liés à «“l’angoisse” et à la “phobie” dont ils offrent, disait Warburg, une “sublimation”». La représentation du monstrueux est inhérente à l’Histoire de l’Art. Elle se nourrit de fantasmes et en alimente de nouveaux. Le goût et l’intérêt intellectuel pour les monstres s’expliquent par ce qu’ils nous informent sur les contextes psycho-sociaux dont ils émergent, comme une vision en négatif.
Définir le monstrueux, l’abject, permet de nous situer, de nous rassurer et peut-être aussi de mieux circonscrire notre identité. La figure du monstre est relative à chacun ; elle dépend à la fois d’une construction sociale et d’une représentation subjective.

Où est le monstrueux ?
Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes soumis au quotidien à une quantité d’images choquantes, véhiculées par les médias, qui s’imposent à nous. Certaines d’entre elles sont d’une violence hors du commun, difficilement supportable ; elles deviennent pourtant l’objet d’une véritable fascination donnant naissance à des galeries de l’horreur sur internet.
Pourquoi voir le monstrueux dans le hors norme, le différent, et pas dans les images auxquelles nous sommes soumis quotidiennement ?
Rendre visible et magnifier la mort, l’immonde, l’infâme, ce que l’on voudrait rejeter hors du monde, c’est rappeler à la société une dimension qu’elle refoule. C’est identifier les structures normatives, oeuvrer avec l’incertitude, avec l’hétérogénéité. C’est favoriser la multiplicité des processus de subjectivation.
Per monstra ad astra, ou comment, par des sentiers ardus, accéder aux étoiles.

Exposition Per monstra ad astra
Un regard sur la collection d’Antoine de Galbert Exposition
Du 23 mars au 8 avril 2016 – Vernissage : le 23 mars 2016 de 18h00 à 21h00
Galerie Michel Journiac – 47, rue des Bergers 75015 Paris
UFR 04 – Université Paris I Panthéon Sorbonne

Artistes exposés
Martin ASSIG, Annette BARCELO, Cathryn BOCH, Peter BUGGENHOUT, Damien CADIO, Patty CHANG, Roman CIESLEWICZ, Steven COHEN, Thibault DE GIALLULY, Damien DEROUBAIX, Mark DION, Marcel DZAMA, Vidya GASTALDON, Ann HAMILTON, Elika HEDAYAT, Hendrik HEGRAY, Noritoshi HIRAKAWA, David LYNCH, Enrique MARTY, Elina MERENMIES, Eric POUGEAU, Bogban RATA, Maïa ROGER, Dorothea TANNING, Anne-Marie SCHNEIDER, Fabien VERSCHAERE, Jérôme ZONDER